Focus sur le paradoxe de l’obésité
Plusieurs études scientifiques ont rapporté une relation entre l'obésité et la mortalité, suggérant à la fois un risque accru de décès dans les groupes d'indice de masse corporelle (IMC) les plus élevés (obésité sévère et morbide) mais aussi les plus bas, chez les hommes et les femmes de tous âges et origines ethniques.
Selon la théorie que l’on nomme “le paradoxe de l’obésité”, être en surpoids ou obèse permettrait notamment de mieux résister à certaines maladies en comparaison avec des personnes à l’IMC normal.
Sauf que cette théorie, et les chercheurs qui les mènent l’affirment parfois eux-mêmes, ne prend pas certains autres facteurs déterminants en compte, en ne se basant que sur l’Indice de Masse Corporelle (IMC), et en omettant par exemple le rapport taille/hanche.
Alors, qu’est-ce que le paradoxe de l’obésité ? Que penser de celui-ci ?
Pas un mais des paradoxes de l’obésité
Plusieurs études ont mis en exergue le “paradoxe de l’obésité”.
Nous le savons, l’obésité est un facteur de risque dans le développement de maladies cardiovasculaires, d’hypertension, de diabète de type II, de certains cancers, de problèmes articulaires, etc. Selon ces études toutes indépendantes les unes des autres, le surpoids et l’obésité (à noter toutefois qu’il ne s’agit jamais d’obésité sévère et/ou morbide), pourraient, en dépit de ce qu’on pourrait croire et dans certains cas, être un avantage plutôt qu’un inconvénient.
Dans une étude anglaise datant de 2015*, le paradoxe de l’obésité concerne les personnes atteintes du cancer colorectal. Selon les chercheurs, les patients minces atteints d'un cancer colorectal auraient un taux de survie plus faible que les malades obèses... Les scientifiques ont mesuré les taux de survie des patients traités par le même traitement de chimiothérapie, patients répartis par niveaux d’IMC, mais également en combien de temps ils étaient rétablis. Les patients avec un IMC normal – soit situé entre 20 et 24,9 – ont eu le taux de survie le plus court.
En réalité, les auteurs eux-mêmes n’affirment pas que l’obésité permettrait de mieux guérir de ce cancer, mais plutôt qu’il existe peut-être “un lien entre le fait d'avoir un IMC plus faible et la façon dont l'on répond au traitement”.
Également, une partie de la communauté scientifique a affirmé que les personnes en surpoids, ou en situation d’obésité modérée, survivaient davantage aux maladies cardiovasculaires, comme si l’obésité avait un effet protecteur sur le cœur. Plus précisément, cette idée largement répandue vient d'une étude publiée en 2016** : les personnes en surpoids ou obèses souffrant d’un syndrome coronarien aigu ou d’insuffisance cardiaque avaient plus de chances de s’en sortir après avoir été opérées.
Dans d’autres études, les personnes en surpoids ou obèses présentent des taux de mortalité inférieurs aux personnes dont l’IMC est normal quand ils contractent certaines maladies : cirrhose, maladies rénales chroniques, AVC, diabète de type II, pneumonie...
Des facteurs négligés ou oubliés
Mais ces études oublient, ou négligent, d’autres critères, et ne se basent pour la plupart que sur l’Indice de Masse Corporelle. Or l’IMC seul, nous le savons, s’il permet de caractériser l’obésité, ne donne qu’un indice (d’où son nom) sur la situation pondérale de l’individu et des effets de cette dernière sur sa santé.
D’autres paramètres ne sont pas étudiés : quelles étaient les habitudes alimentaires, les comportements, les modes de vie et même l’environnement des personnes dont l’IMC était normal ? Quid du rapport taille/hanche ?
En effet, le périmètre abdominal, ou rapport taille-hanche est un facteur décisif, la graisse viscérale et abdominale étant un véritable marqueur de risques pour les maladies cardiovasculaires type infarctus ou l’insuffisance cardiaque. Et l’on peut avoir un rapport taille-hanche très élevé (donc un risque élevé) tout en ayant un IMC normal ou tout juste au niveau du surpoids*** !
Enfin, le rapport entre masse grasse et masse maigre (os, muscles, organes, peau, liquides...) est aussi un élément à prendre en compte.
Alors, que penser du paradoxe de l’obésité ?
A l’heure où cette maladie chronique et complexe qu’est l’obésité est la 5ème cause de décès dans le monde et en constante augmentation, et ce, dès l’enfance, le paradoxe de l’obésité peut sembler en décalage. De nombreuses études ont réfuté, en partie, ce paradoxe****.
Qui tient surtout lieu d’exception qui confirme la règle.
Indépendamment de l’existence du paradoxe de l’obésité chez certains patients, la plupart des données et résultats de recherches montrent que les personnes en situation de surpoids ou d’obésité développent des problèmes cardiovasculaires plus tôt et plus longtemps, et ont une espérance de vie plus faible que les personnes dotées d’un poids de santé.
L’impact de l’obésité, ce n’est pas que sur la santé physique
L’impact du surpoids et de l’obésité ne s’arrête pas au niveau de la santé physique.
De nombreuses personnes obèses souffrent aussi de troubles du comportement, psychiques et mentaux (souvent conséquences et causes, comme l’hyperphagie boulimique, la dépression, les troubles bipolaires...), mais la maladie a aussi un impact négatif sur le bien-être au quotidien.
La grossophobie, par exemple, pèse énormément sur les personnes obèses. Et cette forme de discrimination sociale envers les personnes grosses est hélas bien présente en France et dans le monde. Ce qu’on pourrait qualifier de “racisme anti-gros" est un vrai fléau dont les effets sont délétères, sur la santé psychique certes, mais tout simplement sur la santé, tout court. Pourquoi ? Parce que la grossophobie, ce n’est pas seulement celle provenant des personnes que nous croisons au quotidien, c’est une grossophobie systémique via des équipements non adaptés aux personnes obèses, notamment dans le milieu médical, augmentant de facto le risque de pathologies non diagnostiquées.
* https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/27195485/
** https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC4745816/
*** https://www.ahajournals.org/doi/10.1161/CIR.0000000000000973
**** https://www.santelog.com/actualites/risque-cardiaque-le-tour-de-taille-plus-que-limc, https://www.sciencesetavenir.fr/sante/chirurgie-cardiaque-le-paradoxe-de-l-obesite-en-partie-refute_134172